Les bénéfices apportés par la renaturation de cours d’eau sont nombreux : Diversification des habitats, rétablissement de la libre migration piscicole, amélioration de la qualité de l’eau, etc…
Mais qu’ont à y gagner réellement les pêcheurs ? Une étude analysant les statistiques de pêche de 4 cantons démontre que les mesures de renaturation ont un impact direct sur le taux de capture des poissons dans la pêche de loisir en rivière.
La renaturation des rivières est un enjeu important. La Confédération a pour objectifs de renaturer 4’000 km de cours d’eau sur les 15'000 km fortement endigué ou altéré d’ici 2090 (Loi sur la Protection des Eaux, révisée en 2011). Entre 2011 et 2019, 156 km ont déjà été renaturés (OFEV, 2023).
Ces mesures créent des habitats diversifiés avec des zones à écoulements variés, des abris, des zones propices à la fraie et des zones d'alimentation pour différentes espèces et à différents stades de leur vie. De ce fait, la capacité d’accueil du milieu augmente, ce qui a un impact direct sur la biomasse de poissons. L’assainissement des obstacles à la migration piscicole, comme les seuils et les barrages, permet aux poissons de circuler librement et d'accéder à de nouvelles zones de reproduction. La qualité de l'eau s'améliore également car les zones humides annexes et la végétation riveraine agissent comme des filtres naturels sur les polluants.
Au niveau paysager, les mesures de renaturation offrent un cadre plus naturel et paisible pour la pratique de la pêche. Les méandres, les bancs de gravier et les zones calmes créent des postes de pêche variés et intéressants. Mais il reste cependant difficile de quantifier réellement ce qu’apportent les mesures de renaturation.
Une étude d’envergure, a regroupé les statistiques de pêche récoltées par 4 cantons (Vaud, Genève, Berne et les Grisons) sur plus de 20 ans. Elle ne traite que des résultats concernant la pêche de loisir en rivière. Les résultats montrent un impact direct des mesures de renaturation sur le taux de capture des poissons. Cela suggère donc que ces mesures ont des conséquences positives sur le recrutement et la survie des poissons. Les résultats s’avèrent également durables, avec une évolution dans le temps bien meilleure dans les tronçons renaturés et leurs environs que dans les tronçons témoins.
Effets estimés des renaturations sur le taux de capture. Les points et intervalles de confiance (CI) correspondants indiquent les modifications du taux de capture estimées dans les tronçons évalués par rapport aux tronçons témoins. Les analyses des cantons de Berne et des Grisons tiennent également compte du repeuplement et des conditions météorologiques. ***, ** et * indiquent un seuil de significativité statistique de 1%, 5% ou 10%.
Depuis quelques années, certains cantons, à l’image de Genève ou des Grisons, tiennent également compte de la Capture Par Unité d’Effort (CPUE) dans leurs statistiques de pêche. Il s’agit du fait de mettre en relation la quantité de poissons capturé par rapport à l’effort déployé pour obtenir ces poissons. Concrètement, les pêcheurs doivent noter dans leur carnet ou dans une application les heures de début et de fin de la pêche et ce, même si aucun poisson n’est capturé. Par exemple, un pêcheur qui passe trois jours entiers au bord de la rivière et ne capture qu’une truite, a une CPUE moins bonne qu’un pêcheur qui passe deux heures au bord d’une rivière et capture une truite. Dans cet exemple, l’unité d’effort est représentée par le « temps passé à pêcher » mais cette unité peut également être influencée par d’autres facteurs comme l’expérience du pêcheur, l’efficacité des méthodes de pêches utilisées, les conditions environnementales, etc... Généralement, une moyenne représentative se forme lorsque l’on tient compte de l’ensemble des pêcheurs. On considère que les variations de la CPUE reflètent les variations de l'abondance réelle d’une espèce.
Malheureusement, ces données n’ont pas pu être prises en compte dans la présente étude car elles ne sont pas récoltées par tous les cantons ou depuis trop peu d’années et pas de manière uniforme. Il reste encore difficile d’étudier leur évolution dans le temps. Seules les sorties de pêche se soldant par une capture de poissons sont donc considérées dans l’article pour le moment. À l’avenir, il serait intéressant que de plus en plus de cantons commencent à récolter ces données de Capture Par Unité d’Effort pour pouvoir détecter rapidement des changements dans les stocks de poissons ou dans le comportement des pêcheurs.
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Photo de couverture : Renaturation de l'Aire à Genève, un projet d'envergure qui a duré plus de 20 ans. Photo F. Chironi.