Idrijca, Slovenien, November 2005 Idrijca, Slovénie, novembre 2005 Idrijca river, Slovenia, November 2005

Les poissons face à la surchauffe de leur milieu

Ces vingt dernières années, l’Europe a déjà été confrontée à plusieurs étés extrêmement secs et caniculaires. Et selon les prévisions, ils devraient devenir de plus en plus fréquents. Quel est, alors, l’impact des fortes températures sur les poissons en Suisse ? Quels types de mesures ont déjà été prises pour les protéger ? FIBER livre des éléments de réponse.

Comment les poissons réagissent-ils à la chaleur ?
On ne sait pas encore très exactement comment les poissons réagissent aux épisodes caniculaires. Ce qui est certain, c’est que leur activité diminue bien que leur métabolisme s’accélère.
À la longue, notamment en raison du stress et de la réduction de la consommation de nourriture, cela peut affecter leur condition physique et entraîner une réduction du nombre d’œufs. Toutefois, chaque espèce réagit de sa propre façon à la chaleur et à l’abaissement du niveau des eaux. Alors que la carpe supporte facilement une eau à 30 °C, la truite est en grande difficulté quand la température approche 25 °C car la quantité d’oxygène dissous dans l’eau diminue à mesure que celle-ci se réchauffe. Dans l’ensemble, ces dernières années, les poissons de rivière ont été plus fortement affectés par la canicule et la sécheresse que les espèces lacustres car les lacs stockent un plus grand volume d’eau et offrent un refuge dans les eaux profondes, du moins tant que celles-ci renferment suffisamment d’oxygène. Dans les cours d’eau, les poissons cherchent refuge dans les zones les plus fraîches, par exemple au niveau de résurgences d’eau souterraine, dans des affluents ou, à défaut, dans des lacs. La clé du salut est alors la bonne accessibilité de ces refuges. Autrement dit, les poissons doivent pouvoir circuler librement dans les cours d’eau. Par ailleurs, il est important qu’ils ne soient pas dérangés dans les zones refuges.

Gestion pratique des canicules et sécheresses
Dans la pratique, des mesures préventives et des mesures d’urgence peuvent être prises pour faire face aux sécheresses et épisodes caniculaires. Dans la mesure du possible, il convient d’anticiper et de mener des actions à long terme pour améliorer l’état des eaux en prévoyance des épisodes de stress thermique et hydrique. Dans certaines situations, toutefois, la prise de mesures d’urgence reste inévitable. Les différentes mesures sont détaillées dans les paragraphes qui suivent. Elles ne sont pas du même ordre selon qu’elles visent la sécheresse ou le réchauffement de l’eau.

Mesures relatives à la sécheresse
L’expérience des services de la pêche s’accroît à chaque sécheresse. Dans beaucoup de cantons, les secteurs concernés par les problèmes d’assèchement sont systématiquement recensés. Des cartes permettent de visualiser la fréquence de ces évènements. Dans les tronçons s’asséchant régulièrement, il convient d’évaluer les possibilités de déplacement des poissons et, s’ils ne peuvent s’échapper, d’arrêter les rempoissonnements pour leur épargner des souffrances inutiles. Il importe d’autre part de surveiller le niveau des eaux superficielles et souterraines et d’imposer, si nécessaire, un arrêt ou un déplacement des prélèvements d’eau. Il est alors pertinent que les différents groupes d’intéressés s’entendent à l’avance sur les critères présidant à un arrêt des prélèvements. Dans les cours d’eau utilisés pour la production d’électricité, il faut continuer à veiller au respect de débits résiduels suffisants. A long terme, la pertinence d’une rétention de l’eau peut être réévaluée lorsque le tronçon court-circuité présente un risque fréquent s’assèchement. Dans divers bassins versants, les précipitations sont aujourd’hui rapidement évacuées suite à l’imperméabilisation des surfaces, à l’existence de drainages, etc. Cela entraîne une augmentation rapide des débits mais également une redescente tout aussi rapide du niveau de l’eau. Si elles traitent de ces aspects, les revitalisations peuvent s’avérer bénéfiques pour lutter contre l’assèchement des cours d’eau.

La mesure d’urgence la plus connue en cas d’assèchement d’un cours d‘eau est la pêche de sauvetage. Le sujet divise fortement Suisse. Car même si elle permet de sauver les poissons individuellement, son bénéfice est discutable aussi bien pour les individus que pour la population. En effet, les poissons déjà stressés par la chaleur doivent subir le courant électrique de la pêche de sauvetage puis, bien souvent, le transfert dans un autre cours d’eau où ils doivent se mélanger à une population de poissons également stressée. Du point de vue des adaptations aux conditions locales, un tel transfert n’est pas judicieux si des échanges entre les populations n’ont pas déjà lieu naturellement. En regard de ces réserves, beaucoup de cantons renoncent aujourd’hui aux pêches de sauvetage. Il est alors très important d’informer le public des raisons de ce « non-sauvetage ». Dans certains cas isolés, d’autres mesures d’urgence comme les apports d’eau de source sont à l’étude.

Mesures relatives à la canicule
Pour survivre aux périodes difficiles, les poissons cherchent refuge dans des zones plus fraîches et/ou présentant un meilleur brassage de l’eau. Il peut s’agir de zones profondes dans le cours d’eau, d’affluents aux eaux fraîches ou de résurgences d’eau souterraine. Pour aider les poissons, il peut être important de localiser ces refuges potentiels et, au besoin, d’améliorer leur accessibilité pour les poissons tout en les préservant des activités récréatives humaines par des interdictions. Si le cours d’eau ne présente pas de zones profondes, il convient d’en créer avant un épisode caniculaire. Un creusement du lit a fait ses preuves car il ne perturbe pas l’écoulement et permet, au besoin, d’aménager un chenal préférentiel d’étiage. Pour une bonne planification des mesures, il est utile de connaître l’emplacement des refuges potentiels et des secteurs qui se réchauffent particulièrement. De manière générale, il est pertinent d’améliorer, au besoin, la qualité du milieu physique dans les secteurs où les températures restent fraîches l’été afin d’y offrir des habitats pour toutes les classes d’âge. En revanche, là où le réchauffement est excessif, la priorité doit être donnée à la création d’ombrage. Une cartographie de la végétation riveraine permet d’identifier les zones à reboiser.

 Voici ce à quoi devrait ressembler l’ombrage idéal d’un cours d’eau. Les rives naturelles boisées offrent des habitats à la faune et à la flore tout en limitant le réchauffement du cours d’eau.

La Suisse dispose aujourd’hui d’un réseau de stations de mesure de la température qui permet aux services cantonaux d’identifier rapidement les situations critiques. Bien entendu, les pêcheuses et pêcheurs sont invités, dans ces phases de stress thermique, de laisser leur canne à pêche au placard tout en gardant un œil attentif sur le cours d’eau (et sa température).

Sans surprise, la question préoccupe fortement les services cantonaux de la pêche. Au mois de mars, ils se sont réunis pour discuter des mesures à prendre à court et à moyen terme. Des spécialistes de tous les cantons ont échangé leurs expériences et ont priorisé les mesures possibles.

Compte rendu de la réunion: Mesures à court et moyen terme pour protéger les poissons et les écrevisses en cas de sécheresse et de canicule

Informations sur le sujet « changement climatique et pêche » – CFP


Informations complémentaires et liens utiles

Dossier de l’OFEV : La canicule et la sécheresse de l’été 2022

Mesures de protection des poissons en cas de canicules (Guide de travail & rapport final) 

FSP - Concept d'action canicule et pêche