Newsletter 03/2019

     

Séminaire 2020 – il reste des places libres !

Le 25 janvier  2020 aura lieu notre séminaire sur le thème  « Les poissons en Suisse – hier, aujourd’hui et demain ».  Inscrivez-vous, il reste des places libres !

Vous trouvez ci-joint le flyer avec le programme et des informations pour s’inscrire.

 

Comme petit avant-goût nous nous abordé un peu notre « demain » – notre dernier article de la newsletter « Tout change avec le changement climatique ? »  se trouve en annexe.

 

    

Tout change avec le changement climatique ?

Le thème du changement climatique est plus que jamais d’actualité. L’été 2018 restera pour nous tous un exemple particulièrement préoccupant : dans le Haut-Rhin, ce sont des milliers d’ombres qui ont péri, dans le Mittelland des quantités de tronçons de cours d’eau se sont taris et de nombreux ruisseaux se sont aussi retrouvés à sec. De nombreuses populations de poissons en ont souffert. Nombre de pêcheurs ont éprouvé des soucis pour leurs poissons et quelques-uns  ont même participé à des actions de sauvegarde piscicole. Par chance, l’été 2019 s’est révélé plus frais et plus humide. Cependant que peut-on prévoir de l’influence des changements de température et que sait-on vraiment  de l’influence du changement climatique sur l’écosystème qui constitue l’habitat de nos poissons ? Lorsque, en période de canicule, un milieu aquatique s’assèche, les conséquences pour ceux qui le peuplent sont évidentes. Mais au contraire quand des facteurs tels que la température ou la qualité de l’eau changent lentement, ces modifications ne peuvent être perçues à vue d’œil. Elles révèlent pourtant leur influence sur les êtres vivants dans le milieu aquatique. Nous collectons des extraits de la publication d‘EAWAG « Climate change and freshwater ecosystems » publié au début de cette année et nous voudrions ainsi donner un petit aperçu de l’état des recherches concernant le réchauffement climatique qu’il s’agisse des lacs ou des cours d’eau.

Il faut bien savoir que les modèles climatiques sont fortement influencés par les hypothèses que l’on doit formuler lorsque l’on détermine un modèle. Ils vont par exemple être fondés sur la prévision de l’émission de CO2 à venir, alors que elle-même est inconnue. Particulièrement en ce qui concerne les émissions de CO2, il y a des scénarios divers – ceux-ci vont prendre en compte des réductions allant de 0 jusqu’à 50%. Nous nous efforçons dans cet article de nous concentrer sur les évènements dont on peut prévoir qu’ils se produiront tôt ou tard, et qui, dans tous les cas de figure, sont basés sur les scénarios du Groupe intergouvernemental sur les changements climatiques (IPCC). Si l’on procède à une plus forte réduction, il faudra plus de temps avant que de grands changements ne se produisent. Cela vaudra la peine de poursuivre sur cette lancée et, à la fin, nous parlerons aussi des poissons !

Il fait de plus en plus chaud, mais pas que... !

Entre 1901 et 2014 la température moyenne de l’air en Suisse a augmenté d’environ 1.9 °C, quoique cette valeur ait connu des variations locales : celle-ci peut-être plus faible en plaine ou alors plus élevée dans les Alpes. Une augmentation supplémentaire de 1.4°C jusqu‘en 2035 semble probable. Ainsi, jusqu’à la fin du 21ème siècle, le nombre annuel des journées estivales (température de 25° ou plus) pourrait passer de 40 à 90 tandis que le nombre de journées de gel pourrait se réduire de moitié (de 60 à environ 30). On s’attend en outre à des étés et des automnes plus secs. Inversement les précipitations vont s’accroître en hiver et la partie sud de la Suisse sera particulièrement concernée. Dans ce contexte, les précipitations prendront plus la forme de pluie que de neige et les épisodes extrêmes seront plus fréquents. En outre, le temps entre la fonte des neiges au début de l’année et la première chute de neige à la fin de l’année va se prolonger selon les prévisions de 9 jours par décennie. Les changements impliquant d’autres facteurs climatiques comme le rayonnement solaire, la couverture nuageuse, l’humidité relative de l’air et le vent sont plus difficiles à prévoir mais ne seront pas néanmoins sans conséquences sur l’environnement aquatique.

Quelle est la différence entre le temps qu’il fait et le climat ?

La différence entre le temps et le climat tient au fait que le temps décrit l’état physique de l’atmosphère à un moment précis dans un endroit déterminé, qui peut changer très rapidement. Cela complique sensiblement les prévisions. A l’inverse, le climat est une situation appréciable à long terme qui doit être calculée par des valeurs moyennes sur des décennies. Les modèles climatiques sont en outre calibrés en relation avec des données climatiques anciennes. Celles-ci peuvent par exemple être reconstituées sur des millénaires à l’aide de carottages sédimentaires ou glaciaires. Il est donc plus simple de prévoir le climat à venir que le temps qu’il va faire – si la météo contient en partie tant de valeurs extrêmes -celles-ci n’ont que peu d’influence sur le climat.

Températures de l’eau, débit, origine et qualité de l’eau sont en train de changer dans les cours d’eau  

La température de l’air a une influence sur la température de l’eau des ruisseaux et des rivières, ce qui peut être accentué ou diminué sous l’effet de différents facteurs. Une cours d’eau étale, coulant lentement va se réchauffer particulièrement rapidement surtout quand la source – qui en principe procure une eau fraîche – est éloignée. En revanche, la végétation des rives peut sensiblement atténuer une partie du réchauffement ou des fluctuations de température quotidiennes. Ainsi, entre 1970 et 2010, les cours d’eau suisses se sont réchauffés au niveau régional d’environ 0.1° (dans les régions de glaciers) jusqu’à 1.2° (dans le Mittelland) soit à peu près un degré de moins que le réchauffement de l’air. Jusqu’ici les cours d’eau alpins situés à proximité de leurs sources ont moins de problèmes dans la mesure où la température de leurs eaux dépend d’abord de la fonte de la neige et de la glace et que d’autres facteurs ont moins d’influence (illustration 1).

Illustration 1 : Modification de la température moyenne annuelle de l’eau durant les 40 – 60 dernières années. Les longs cours d’eau ou les exutoires de lacs en plaine sont plus sévèrement concernés que les cours d’eau alpins situés à proximité de leurs sources.

Outre la température, on peut s’attendre à une influence importante du climat sur l‘origine de l‘eau et le régime d‘écoulement. Par exemple le Rhin est alimenté actuellement en majorité par les eaux de pluie (55%), inversement l’Aare en amont de Brienz est alimenté principalement par la fonte de la neige et de la glace (68%). A l’avenir, dans la plupart des régions les précipitations se feront pour une plus grande part sous forme de pluie. Cela va avoir des conséquences diverses suivant les saisons. Tandis que l’on peut s’attendre à moins de pluies en été, beaucoup de cours d’eau auront un débit plus faible et auront plus de risque de s’assécher. A l’inverse, en hiver, le débit va augmenter car les précipitations seront parvenues dans les cours d’eau directement sous forme de pluie et non sous forme de neige qui aurait plutôt pu être stockée sur les rives. Tous les cours d’eau ne sont ou ne seront pas affectés dans les mêmes proportions.  Pendant l’été caniculaire 2003 par exemple, les cours d’eau à avoir été le plus affectés étaient ceux dont les bassins versants ne comportaient pas de grands lacs – que les effluents pouvaient stabiliser – et avec de très faibles apports d’eau provenant de la fonte des neiges. Dans tous les cas, la nappe phréatique peut constituer tout au long de l’année une ressource d’eau stable.

Mais le régime d’écoulement peut probablement être aussi modifié d’autres façons. Les crues de printemps se produiront plus tôt dans la mesure où la fonte des neiges interviendra plus tôt et qu’il y aura plus de pluies. De plus, il faut s’attendre à une érosion plus accentuée en hiver qui va changer le transport saisonnier des matériaux organiques et des sédiments. Dans les bassins hydrographiques situés en altitude, il y aura à l’avenir, à cause de la fonte des glaciers, plus de sédiments libérés et transportés dans les cours d’eau. Pendant les étés caniculaires et les périodes de basses eaux, la composition chimique de l’eau changera probablement  à l’avenir dans la mesure où la partie issue de la nappe phréatique augmentera quand celle provenant de la pluie et de la fonte des neiges sera en diminution. La qualité de l’eau va subir les influences de ce processus. La concentration ionique et la conductibilité de l’eau vont se modifier, et les substances chimiques auront plus de chance d’être lessivés par la pluie et ainsi de finir dans les rivières . En même temps, le niveau des eaux sera souvent plus profond qu’aujourd’hui, ce qui entrainera une moins bonne dilution des agents polluants. Les plus impactés sont les cours d’eau alpins avec des apports élevés de sédiments ou bien les cours d’eau dont les bassins versants ont beaucoup d’exploitations agricoles ou de stations d’épuration. L’élévation de la température de l’eau entraîne aussi une augmentation du besoin en oxygène. Il peut arriver, spécialement pendant les chaudes nuits d’été, que les cours d’eau ne contiennent plus assez d’oxygène dissous.

Illustration 2 : Avec plus de précipitations sous forme de pluie au lieu de neige on peut s’attendre à l’avenir à des déversements d’eau plus importants en hiver et plus d’épisodes de précipitations extrêmes. De plus les crues de printemps se produiront plus tôt dans l’année car la fonte des neiges intervient plus tôt et qu’il tombe plus de pluie. Photo : M. Roggo

Changement climatique, circulation de l’eau et qualité de l’eau dans les lacs

La température des lacs augmente, comme celle des cours d’eau, en corrélation avec la température de l’air. Par exemple, entre 1962 et 1998 la température du lac de Constance a augmenté de 0.17° Celsius par décennie. On s’attend à ce que les lacs d’Europe se réchauffent de 4° Celsius d’ici à la fin du 21ème siècle. De ce fait la température de l’eau à proximité de la surface (couche supérieure) sera particulièrement élevée aussi bien au printemps qu’en été. Cela entraînera une augmentation de la différence de température avec la couche inférieure et renforcera la stratification du lac ce qui sera encore amplifié par l’accroissement du nombre de jours d’été. Cela peut modifier la circulation des eaux du lac dans les endroits plus profonds et faire que la circulation du lac et le mélange de l’eau de la couche supérieure avec celle de la couche inférieure s’effectue moins fréquemment voire plus du tout (cf. encadré).

La circulation des masses d’eau lacustres

La circulation des eaux lacustres assure le transport de l’oxygène vers les profondeurs et la remontée des nutriments du fond à la surface de l’eau. Elle est indispensable à la productivité du lac. La majorité des lacs suisses présentent une stratification, particulièrement en été. L’eau chaude a une densité moindre que celle de l’eau froide ce qui va permettre la constitution d’une couche supérieure chaude plus légère qui va demeurer sur la couche profonde plus froide. Entre elles vont se créer des passages plus ou moins marqués que l’on appelle thermocline. Beaucoup de lacs suisses sont monomictiques – une fois par an, la plupart du temps à la fin de l‘automne ou en hiver, la température de l’eau de la couche supérieure et celle de la couche profonde s’égalisent ce qui provoque le mélange des strates.   Cela aura pour conséquence le transport des nutriments et de l’oxygène dans les profondeurs du lac. Pour les lacs situés à une altitude plus élevée, ce phénomène peut aussi se produire deux fois (à l’automne et au printemps), on va parler alors de lacs dimictiques. Mais lorsqu’il y a une élévation des températures de l’eau, les lacs dimictiques peuvent se transformer en lacs monomictiques. Les lacs monomictiques, en cas de températures d’eau plus élevées peuvent devenir oligomictiques ce qui signifie que le mélange n’aura lieu que épisodiquement certaines années. Ce phénomène peut par exemple être observé au lac de Zurich. Avec des températures trop élevées, les lacs peuvent devenir méromitiques ce qui veut dire que le mélange ne se fait plus du tout. Des crues hivernales plus importantes ou des vents puissants peuvent aller à l’encontre de ce processus, mais leur prévision est difficile.

Dans la mesure où la circulation lacustre répartit l’oxygène dans tout le milieu aquatique, la teneur en oxygène devient problématique surtout dans la couche profonde des lacs de plaine particulièrement quand il existe déjà aujourd’hui un déficit temporaire en oxygène. En outre la productivité annuelle des lacs pauvres en éléments nutritifs baisse, mais la quantité de nutriments (en particulier le phosphore) de l’eau de la couche supérieure augmente. Des températures plus élevées et de plus fortes concentrations de nutriments peuvent favoriser à la fin de l’été la prolifération des cyanobactéries (appelées aussi algues bleues). Beaucoup de ces microorganismes produisent des substances toxiques qui altèrent la qualité de l’eau. De surcroît, s’ils se reproduisent en masse, ils vont être mangés par les poissons. Les jeunes poissons en particulier mais aussi les adultes de certaines espèces se nourrissent principalement de plancton et ont besoin d’en manger autant que possible pour en extraire leur énergie. Mais la plupart de ces poissons ne sont pas en état de digérer correctement les algues bleues. Lorsque leurs estomacs en sont remplis, il reste moins de place pour le plancton nourricier et ils vont grandir plus lentement.

Les écosystèmes changent et il est difficile d’y échapper

Le réchauffement climatique influence aujourd’hui déjà nos écosystèmes (cf. encadré) et on peut supposer que de nombreux domaines de l’écosystème aquatique vont encore plus changer. Beaucoup des changements observés sont fondés sur une combinaison de facteurs : des modifications généralisées de l’habitat (dus aussi à l’activité humaine) et des pollutions interagissant avec le réchauffement climatique. De ce fait, il est difficile de chiffrer l’impact d’un facteur pris isolément.  Les difficultés d’effectuer des prévisions sont encore plus renforcées par la haute complexité des écosystèmes avec leurs innombrables interactions.

Qu’est-ce qu’un écosystème ?

Un écosystème est une communauté d’êtres vivants qui interagissent entre eux et avec leur environnement. Les forêts où les zones dédiées à l’agriculture sont une typicité suisse et de fréquents écosystèmes terrestres, tandis que les cours d’eau, lacs ou ruisseaux constituent de classiques écosystèmes aquatiques.

Le changement climatique peut avoir principalement un impact sur l’écosystème dulçaquicole par deux moyens : l’un d’eux est la modification des facteurs abiotiques (par ex. la température, l’oxygène ou le contenu nutritionnel) dans l’habitat. Tous les organismes fixent des exigences précises à leur habitat. Lorsque les conditions de leur habitat changent et qu’ils ne peuvent s’y adapter ou les éviter, ils vont finir par dépérir. De plus l’aspect des eaux est modifié par le changement climatique et ce sont les eaux courantes qui sont fortement impactées. Une partie des eaux courantes seront asséchées et les systèmes hydrauliques auparavant reliés entre eux pourront être séparés. La connectivité des eaux courantes joue cependant un rôle central pour les habitants de cet écosystème. Dans un système hydraulique bénéficiant de bonnes liaisons, les habitants peuvent le cas échéant se déplacer dans des zones plus élevées pour par exemple éviter des températures défavorables. Il convient ici de préciser que les conditions d’habitat (pente, taille du gravier, vitesse du courant,…) doivent être semblables dans les zones plus élevées. Autrement, une espèce ne pourra que difficilement se déplacer même si la température est convenable. Des barrières élevées par l’homme peuvent venir compliquer ce processus ou le rendre tout simplement impossible.

Illustration 3 : La truite est une espèce d’eau froide. Avec l’élévation des températures de l’eau, d’autres espèces de poissons qui supportent mieux des températures plus élevées peuvent pénétrer dans l’habitat  des truites et, le cas échéant,  les concurrencer. Bien que de ce fait la biodiversité locale s’accroisse, elle va régresser au niveau régional car les spécialistes d’eau froide sont amenés à terme à disparaître. Photo: M. Roggo

Les conditions de vie changent pour nos poissons

La diversité des espèces de poissons est modifiée par des facteurs tels que des changements affectant leur habitats, des barrières à leurs migrations, l’eutrophisation (l’accumulation de nutriments comme par ex. le phosphate) et par des espèces allogènes. Il est difficile de dire exactement à quel point le changement climatique exerce son influence ou quelle pertinence il peut avoir en combinaison avec d’autres facteurs.  

La truite (Salmo trutta) est l’une des espèces de poissons qui a fait l’objet de plus de recherches en Suisse, et ce aussi dans la perspective du changement climatique. Ses populations ont régressé ces dernières décennies et plus particulièrement dans le Mittelland. Elle se sent chez elle dans des ruisseaux et des rivières frais et bien oxygénés, sa zone de confort se situe selon son stade d’existence et la population entre 8 et 19°Celsius. Avec des températures d’eau plus élevées, changent le comportement de reproduction, le développement des œufs, la disponibilité de la nourriture et la dynamique de maladies piscicoles comme la maladie rénale proliférative des poissons MRP (en particulier dans les eaux  d’une température supérieure à 15° Celsius, une hausse de la température accroit la morbidité des truites par MRP). Cela menace la survie des truites. De façon générale, les populations de truites sont plus impactées  en plaine par les changements de température car elles y sont déjà plus près de leur limite supérieure de température que les truites vivant en altitude. Les cyprinidés tels que le chevaine ou les barbeaux qui se sentent parfaitement à l’aise avec des températures plus élevées vont toujours plus se développer dans de telles eaux et dominer l’éventail des espèces.  

Avec le changement climatique augmente le risque d’assèchement total ou partiel des cours d’eau, les températures de l’eau peuvent atteindre des valeurs critiques entrainant la mort massive des poissons et d’autres êtres vivants. Pour la plupart des truites la température de l’eau dépassant 25°C est mortelle. Un déplacement dans des affluents ou dans des endroits plus élevés est souvent malheureusement impossible à cause des barrières (naturelles mais aussi, souvent dressées par l’homme).  La mise en réseau va prendre encore plus d’importance à l’avenir pour la reproduction naturelle : avec des crues plus fréquentes et plus fortes en hiver le régime sédimentaire et la turbidité vont changer surtout dans les bassins versants alpins. Ceci peut fortement influencer le fonctionnement d’un écosystème et endommager la couvaison des truites (cf. photo) se développant dans le gravier et nécessitant un gravier propre et perméable à l’eau.  

Illustration 4 : La progéniture des poissons frayant sur le gravier se développe à l’intérieur du lit de gravier. Pour les espèces frayant à l’automne comme les truites, la couvaison reste enfouie dans le gravier pendant plus d’une demi-année. Des écoulements forts et davantage de sédiments dans l’eau peuvent entraver son développement parce que le système des espaces entre graviers va se boucher plus facilement,  l’apport en oxygène ne sera plus garanti ou les œufs seront emportés par l’eau. Photo : M. Roggo

Dans les affluents naturels et plus petits on s’attend à des influences plus limitées dans la mesure où les crues peuvent être davantage stockées dans des réservoirs tampons et qu’y règne aussi une plus grande diversité des habitats. De même la phénologie, c’est à dire le déroulement annuel des processus biologiques, ne peut pas être épargnée par le changement climatique : beaucoup de processus comme par exemple la formation des feuilles des arbres ou la croissance des algues vont débuter plus tôt dans l’année et la période de croissance des plantes va se rallonger. On recherche par exemple à l’heure actuelle comment des températures modifiées au cours de l’année peuvent agir sur le développement des œufs de truite. On reste dans l’incertitude sur la façon dans laquelle de tels changements biologiques vont encore interagir avec des crues saisonnières modifiées et entrainer avec eux d’autres changements écologiques.

On connait peu jusqu’ici l’influence du changement climatique sur les poissons vivant dans les lacs. Lorsque les lacs se mélangent moins fréquemment ou plus du tout l’oxygène manque particulièrement dans les couches profondes. Cela a des conséquences fatales surtout pour les espèces vivant ou frayant en profondeur telles que les corégones, les ombles ou les lottesde rivière. L’eutrophication et le manque d’oxygène associé  a ainsi déjà eu des conséquences pour les corégones dans le passé : environ un tiers des espèces de corégones d’origine a péri dans la deuxième moitié du siècle dernier.

 

Et après ?

Même si les pronostics les plus extrêmes de changement climatique ne se réalisent pas, nous devons cependant compter avec un changement climatique dans les prochaines décennies qui aura une influence plus forte sur nos eaux. On ne peut pas savoir si les conséquences prévues peuvent être contrecarrées. Mais dans tous les cas cela vaut la peine de revaloriser l’habitat  et de rétablir autant que possible des conditions naturelles dans et autour de notre système hydrique. Font naturellement partie de cela une mise en réseau  des eaux susceptible de permettre une libre migration des poissons et la création de boisements des rives procurant de l’ombre.  On peut de même agir pour cela déjà à une échelle plus modeste : la campagne « Les pêcheurs aménagent l’habitat » de la Fédération Suisse de Pêche pointe les possibilités offertes aux pêcheurs pour améliorer de façon active l’espace de vie de l’eau.

Même quand il n’est pas évident de déterminer le niveau de l’influence de la pêche à la ligne sur une population donnée en comparaison  avec les atteintes portées à  l’habitat et le changement climatique, des populations de poissons déjà perturbées peuvent en subir une pression supplémentaire. Justement dans des eaux plus chaudes les ombres et les truites se remettent manifestement plutôt plus difficilement du stress d’une action de pêche et ils ont une probabilité plus élevée de développer une mycose. De telles situations peuvent conduire au fait que les poissons capturés en dessous de la taille meurent et n’aient pas la possibilité de se reproduire.  En tant que pêcheurs nous avons la responsabilité et la possibilité d’adapter notre propre comportement à la protection de nos poissons. Cela pourrait par exemple signifier que des espèces spécialement menacées comme précisément les ombres ou les truites soient plus fortement ménagées, même de façon volontaire et individuelle. Il va de soi qu’il appartient en premier lieu aux autorités cantonales d’encadrer les activités de pêche pendant les périodes de forte chaleur selon les besoins. Cela est déjà mis en pratique dans certains cantons – par exemple par le biais de moratoires locaux, de nouvelles zones protégées de même qu’une prolongation de période de fermeture. Avec ces mesures, on pourrait aux mieux gagner le temps de mettre en place des mesures d’amélioration de l’habitat qui, on l’espère, augmenteront les chances de survie pour de telles espèces.   

Corinne Schmid et Philip Dermond

 

Cet article est principalement fondé sur la publication en anglais  de l‘Eawag « Climate change and freshwater ecosystems » de S. Benateau et ses collègues. Nous ne pouvions pas en aborder dans cette synthèse tous  les aspects ou détails.

Sources supplémentaires

Britton et al. "Non‐native fishes and climate change: predicting species responses to warming temperatures in a temperate region." Freshwater Biology 55.5 (2010): 1130-1141.

IPCC, 2014: “Climate Change 2014: Synthesis Report.” Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, R.K. Pachauri and L.A. Meyer (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, 151 pp.

Kamjunke et al. "Consumption of cyanobacteria by roach (Rutilus rutilus): useful or harmful to the fish?." Freshwater Biology 47.2 (2002): 243-250.

Perroud and Bader. „Klimaänderung in der Schweiz. Indikatoren zu Ursachen, Auswirkungen, Massnahmen.“ Umwelt-Zustand (2013). Federal Office for the Environment and Federal Office of Meteorology and Climatology.

Poesch et al. "Climate change impacts on freshwater fishes: a Canadian perspective." Fisheries 41.7 (2016): 385-391.

Rangwala and Miller. "Climate change in mountains: a review of elevation-dependent warming and its possible causes." Climatic Change 114.3-4 (2012): 527-547.

Vonlanthen et al. "Eutrophication causes speciation reversal in whitefish adaptive radiations." Nature 482.7385 (2012): 357.

APP FIBER sur la cartographie des frayères – ça marche !

Jusqu’à maintenant l‘app a été téléchargée plus de 200 fois et nous avons reçu de nombreuses cartographies – en maints endroits les truites sont/étaient très occupées par leur procréation. Nous sommes encore surpris et très contents de l’intérêt que l’app a rencontré pendant  la première année d’essai. Une chose est certaine : le rapport sur la cartographie sera de loin plus volumineux que jusqu'alors. D’ors et déjà un cordial remerciement à tous les cartographes !

Comme c’est souvent le cas avec les nouveautés, vous (et nous aussi) avez déjà découvert quelques erreurs de jeunesse dans l’app. Avec notre développeur nous sommes en train de les corriger. Il existe déjà quelques idées pour le développement futur de l’app (base de données externe, cartes intégrées, site web avec carte de la Suisse reprenant  toutes les cartographies, extension à  d’autres espèces de poissons,…)  On ne sait encore pas de façon sûre quels projets pourraient être réalisés avant la prochaine période de frai, mais nous sommes déterminer à poursuivre l’activité !

Publications

Les truites du lac de Constance

La truite de lac est souvent le fleuron des revitalisations ou des assainissements des centrales électriques. La conférence internationale des mandataires pour la pêche dans le lac de Constance et la commission internationale pour la protection des eaux pour le lac de Constance ont lancé une campagne d’information à temps pour la période de frai. Avec une brochure et un film les deux organisations communiquent sur la biologie, les potentielles menances et des mesures mise en œuvre au lac de Constance pour protéger la truite du lac. Le communiqué de presse, la brochure et le film sont disponibles sur le site de l’IBKF.

Les hybrides favorisent la diversité

Si deux animaux d’espèces différents s’accouplent, leur progéniture se nomme un hybride. Souvent les hybrides ne peuvent pas se reproduire. S’ils en sont capables, le mélange de gènes peut générer des phénotypes qui s’adaptent mieux aux conditions environnementales que les deux espèces parents et des nouvelles espèces peuvent apparaitre. Dans d’autres cas, les hybrides s’adaptent moins bien et contribuent peu au pool génétique des générations futures. Ce qui arrive dépend entre autres des créneaux écologiques non utilisés dans l’habitat des hybrides. La variété des cichlidés dans les lacs d’Afrique orientale s’est développée notamment grâce aux hybrides. Ils ont réussi à occuper des nouvelles niches écologiques dans leur habitat qui n’étaient pas encore utilisées par les espèces parents. Ceci est le résultat des recherches effectuées par les scientifiques de l’institut de recherche aquatique Eawag et de l’université de Berne.

Eawag-News : Les hybrides favorisent la diversité

L'occasion fait le taxon

Dans les lacs et rivières du Groenland il y a probablement des centaines d’espèces d’ombles chevalier non décrites. C’est l’hypothèse d’une équipe de l’institut de recherche aquatique Eawag et de l’université de Berne qui a découvert six espèces d’ombles rien que dans le plus grand lac du bassin versant de la rivière  Eqaluit. Il s’agit de la plus grande variété mondiale d’espèces d’ombles dans un seul lac. L’origine de cette richesse d’espèces pourrait être une combinaison de matériel génétique varié  et d’un environnement diversifié qui a permis une adaptation aux habitats différents. Ces facteurs sont connus pour permettre une création rapide de nouvelles espèces.  

Eawag-News : L'occasion fait le taxon

Débits résiduelles des cours d'eau

Dans la série de brochures sur le thème de l’eau publié par l’office fédéral de l’environnent le mois passé, le leporello « Débits résiduelles des cours d'eau » est apparu. Ceci explique d’une façon brève et concise des thèmes comme : la force hydraulique laisse des traces – sans eau pas de vie – un minimum d’eau pour les cours d’eau.

Leporello « Débits résiduelles des cours d'eau »

Les pyréthrinoïdes en ligne de mire

Les pyréthroïdes et les organophosphates sont des pesticides qui ont un effet hautement toxique sur les organismes aquatiques, même en toute petite concentration. Jusqu’à maintenant, il n’y avait pas de méthodes analytique permettant d’identifier ces substances en très petites concentrations (notamment en picogrammes, donc 0,000000000001 g par litre) même si des telles concentrations suffisent déjà pour avoir un impact. L’utilisation de ces pesticides est encore très rare en Suisse, et pourtant des chercheurs de l’Eawag ont pu détecter des concentrations potentiellement nocives pour l'écosystème dans plusieurs ruisseaux.

Eawag-News : Les pyréthrinoïdes en ligne de mire

Quel est l’effet des pesticides sur les poissons ?

L‘ Eawag a démontré plusieurs fois cette année la charge des pesticides dans nos eaux courantes. Des nouvelles études parues montrent leur effet possible sur nos poissons. Dans deux articles publiés dans le journal spécialisé « Aqua & Gas » des chercheurs discutent des risques directs et indirects de ces pesticides. 

Polluants - tous les ombres ne réagissent pas de la même façon

Dans le cadre d’une étude effectuée par Claus Wedekind de l’université de  Lausanne, des larves d’ombres ont été exposé à une concentration semblable à certains cours d’eau d’une hormone artificielle qui est utilisée dans la pilule contraceptive. Cette hormone est identifiée régulièrement dans les ruisseaux et rivières de toute la Suisse. Les larves mâles autant que les larves femelles réagissent fortement à cette pollution chimique. Leur réaction était pourtant très différente : au début du développement, plus de 400 gènes de mâles ont été influencés contre 15 pour les femelles.  Lors de l’éclosion, cet effet s’est en revanche inversé : chez les mâles le nombre de gènes influencés baissaient fortement tandis que chez les femelles plus de  20 000 gènes ont été influencés. Vers la fin de la phase du sac vitellin, autour de 10 000 gènes étaient toujours affectes alors que chez les mâles l’effet s’était  presque complètement estompé. De telles réactions sex-spécifique  à l’environnement pourraient avoir des conséquences sur le frai des populations d’ombres. Si les mortalités sont différentes selon les genres, la conséquence pourrait en être un surnombre de femelles par rapport aux mâles (ou le contraire) dans les frayères.  En effet, les scientifiques ont pu constater qu’il y avait plus de femelles que de mâles, ce qui peut être un problème pour les populations naturelles. Il n’y a pas d’indication pour l’instant que la raison de ce déséquilibre ait été causé par un changement de sexe des mâles vers des femelles provoqué par les hormones.  Il faut ajouter toutefois que les hormones retardent le développement du genre déjà avec de toutes petites concentrations.

Publication originale : Sex-specific changes in gene expression inresponse to estrogen pollution around theonset of sex differentiation in grayling (Salmonidae)

Méthodes d’analyse et d’appréciation des cours d’eau en Suisse : Macrozoobenthos

La nouvelle aide à l’exécution de l’office fédéral de l’environnement décrit une méthode développée dans le cadre du concept modulaire gradué qui permet d’évaluer les eaux courantes à l’aide du peuplement du fond des rivières par des invertébrés benthiques (macrozoobenthos).  A l’aide de la description de l’échantillonnage du macrozoobenthos, une détermination grossière de l’état biologique des eaux du cours d’eau ainsi qu’une classification en 5 classes peut être pratiquée.

Méthodes d’analyse et d’appréciation des cours d’eau en Suisse : Macrozoobenthos

Rapport sur l’été 2018 : la canicule et la sécheresse ont eu de graves conséquences

La Suisse et sa population sont de plus en plus confrontés par des étés extrêmement chauds. Après les canicules de l’été  2003 et 2015, le pays a vécu de nouveau un été particulièrement chaud en  2018  et l’été  2019 a été caractérisé de nouveau par des vagues de chaleur. Pour l’année  2018, la Confédération présente maintenant une analyse dans son rapport „La canicule et la sécheresse de l’été 2018 – impacts  sur l’homme  et l’environnement». Il examine les conséquences de la chaleur et de la sécheresse persistante pendant le semestre d’été 2018 qui ont frappé  notamment la Suisse orientale.  Le rapport montre que la chaleur et la sécheresse ont eu des conséquences sévères par endroits, entre autres  sur la santé des personnes,  sur les forêts, les eaux et les glaciers de même que sur l’agriculture.

Rapport sur l’été 2018 : la canicule et la sécheresse ont eu de graves conséquences

Agenda

Foire : « Pêche Chasse Tir » à Berne

Entre le 13 et le 16 février  2020 aura lieu de nouveau la foire  « Pêche Chasse Tir »  à Berne. Il y aura beaucoup à découvrir – la FIBER sera présente. Une  visite vaut la peine !

Site Internet de Pêche Chasse Tir

Workshop de la FSP « Adhésion des membres »

En 2019 à peu près 150.000 personnes  possèdent une attestation de compétence pêche en Suisse et chaque année il y a environ 8000 nouveaux pêcheurs. Malgré cela, le nombre des membres de la FSP stagne toujours autour de 30 000. Une augmentation n’est pas visible – la FSP veut changer cette situation et traduire la popularité de la pêche par un accroissement du nombre  des membres. A cet effet, la FSP organise le 9 mai 2020 un Workshop avec représentantes et représentants  des fédérations de tous les cantons suisses.

Workshop FSP « Adhésion des membres »

Letzte Änderung: 26.02.2021